Le succès que connaît le Réseau BRILLEnfant est tributaire de ses partenariats dynamiques et des précieuses collaborations de ses membres, c’est-à-dire les patients et leurs familles, les chercheurs, les professionnels de la santé et les décideurs dans le domaine des soins de santé. Quelque 70 patients partenaires de notre réseau de recherche axée sur le patient collaborent régulièrement à des projets de recherche, siègent à des comités et contribuent de façon active à la recherche sur les troubles du développement d’origine cérébrale chez les enfants canadiens.
Cette série est le fruit des conversations qui se sont déroulées plus tôt en 2020 avec cinq de nos patients partenaires. Par le partage des expériences et des motivations de quelques-uns des partenaires du Réseau BRILLEnfant, nous souhaitons favoriser l’établissement de liens toujours plus étroits entre nos projets, nos programmes et nos comités, ainsi que mieux comprendre l’éventail d’expériences qu’ils mettent à profit dans le cadre de nos partenariats. Tout d’abord, nous vous présentons la conversation que nous avons eue avec Sharon McCarry en janvier.
Une soudaine illumination
« Une soudaine illumination ». C’est ainsi que Sharon McCarry décrit ce qui l’a poussée à prendre la décision de participer au Programme de neurodéveloppement Familles Solides il y a trois ans.
Ce moment précis a été l’aboutissement d’un long processus. Après avoir donné naissance en 2003 à son cadet, Colm, elle a constaté avec une certaine inquiétude que le développement de ce dernier n’évoluait pas au même rythme que celui de son aîné aux mêmes âges. C’est alors qu’elle a commencé à parcourir le long et tortueux chemin qui allait mener au diagnostic d’autisme de Colm. Au cours du processus d’établissement du diagnostic, on lui demande de participer à l’étude Pathways portant sur le trouble du spectre de l’autisme. Il s’agit de l’une des plus longues et des plus vastes études au monde qui s’intéresse au développement au fil du temps des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme. Le diagnostic de Colm a finalement été confirmé en 2006, alors qu’il avait trois ans et demi.
En 2016, dans le cadre de sa participation à l’étude Pathways, Sharon est invitée à siéger à une table ronde portant sur la fourniture et la recherche des services qui sont offerts par les gouvernements et les organisations communautaires et qui s’adressent aux familles d’enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme et d’autres handicaps. Le jour de la table ronde, alors qu’elle prenait part à la discussion sur les avantages et les défis liés à la prestation de services, Sharon s’aperçoit que quelque chose cloche : elle a l’impression que cette conversation ne fait pas le tour de la question.
« Personne ne parlait de politiques et de ce qu’elles représentaient sur le long terme », explique Sharon. Durant la récapitulation des points discutés au cours de la journée, elle a posé une question bien précise :
« Parmi les recherches qui sont actuellement effectuées, prévues ou dont on discute, y en a-t-il qui seront reliées à des modifications de politiques qui pourraient changer la vie des enfants faisant partie de l’étude? » Comme on lui répond par la négative, elle réplique :
« Quel est donc notre objectif si nous ne pouvons pas changer les choses? »
Lucyna Lach, chercheuse principale dans le Programme de neurodéveloppement Familles Solides, participe aussi à la table ronde cette journée-là. Elle communique par la suite avec Sharon pour l’inviter à collaborer au programme. Le Programme de neurodéveloppement Familles Solides examine s’il est possible d’améliorer la régulation des émotions et du comportement des enfants atteints de troubles neurodéveloppementaux grâce à un programme axé sur les parents. Ce dernier offre notamment un soutien téléphonique, un encadrement avec des membres auxiliaires et un volet d’information, en plus de permettre le partage de renseignements sur les ressources.
Pour Sharon, qui s’est parfois sentie seule et en colère dans le milieu de la recherche, cette expérience est enrichissante. Le programme Familles Solides lui a permis de trouver une communauté et une attitude carrément différentes. Elle siège d’ailleurs, avec d’autres personnes de partout au Canada, au Comité consultatif de parents du programme : « J’aime que les réunions regroupent de très ardents défenseurs qui proviennent de divers horizons et de partout au pays, et que personne ne nous parle comme si nous étions inférieurs. »
Comme le souligne Sharon, ce partenariat et les échanges actifs et ouverts qui en découlent sont importants, car les parents d’enfants en situation de handicap ne sentent pas toujours qu’ils ont l’écoute des professionnels de la santé ou des universitaires lors de leurs interactions : « C’est ce qui arrive lorsqu’on élève un enfant qui ne communique pas verbalement », dit-elle. « Je pense que ce sentiment est ressenti par de nombreux parents d’enfants ayant des besoins spéciaux ou complexes. Nous pouvons avoir l’impression que nos enfants sont invisibles. »
Ses rôles de mère et de patiente partenaire ne sont toutefois pas les seuls rôles que Sharon assume. À la suite d’une fructueuse carrière de directrice du marketing et après avoir reçu le diagnostic de Colm, elle crée en 2008 La Fondation Place Coco à La Petite Maisonnette Rouge. Elle relance la défunte coopérative familiale située à Montréal-Ouest, La Petite Maisonnette Rouge (site en anglais). Sharon l’avait découverte en cherchant un programme de socialisation pour son fils pendant ses premières années. La coopérative avait accueilli Colm à raison de deux matins par semaine et lui offrait les services d’un aide-éducateur.
Depuis, La Fondation Place Coco est devenue un organisme de bienfaisance sans but lucratif pour enfants, enregistrée auprès du gouvernement fédéral. Elle assure la gestion de La Petite Maisonnette Rouge, qui est désormais un établissement d’éducation préscolaire inclusif qui offre un programme s’adressant aux enfants neurotypiques et aux enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme ou des troubles du langage. Le programme principal est présenté jusqu’à 13 h. Des programmes d’analyse appliquée du comportement, d’orthophonie et d’ergothérapie à participation facultative sont par la suite offerts.
Après douze années à la tête de l’organisme, Sharon est témoin des effets du programme sur les enfants ainsi que sur leurs frères et sœurs. Sharon mentionne que bon nombre des enfants neurotypiques qui participent au programme décident de s’orienter vers une carrière dans le domaine des soins de santé ou de la recherche. D’après leurs parents, ces choix sont influencés par le fait que l’établissement préscolaire inclut des enfants neurotypiques et des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme. « C’est tellement fabuleux de voir l’empathie suscitée », affirme-t-elle. « Eux, ce qu’ils voient, ce ne sont pas des handicaps, mais des enfants. »
Sharon souhaite aussi réaliser d’autres grands projets. Colm est maintenant âgé de 16 ans et les travaux de défense des intérêts de Sharon sont orientés vers de nouvelles priorités. Elle travaille à la mise en œuvre d’un projet de logements communautaires pour les personnes autistes et d’un programme qui s’adresse aux personnes âgées ayant un trouble du spectre de l’autisme. Les travaux sur les politiques et les services publics demeurent également l’une de ses priorités. La ministre du Revenu national l’a récemment nommée à titre de membre du Comité consultatif fédéral des personnes handicapées pour un mandat de 36 mois. Et ici, au Réseau BRILLEnfant, elle poursuit ses travaux au sein du Comité consultatif de parents Familles Solides; elle en est maintenant membre depuis plus de trois ans.
Sharon est convaincue de l’importance, en tant que parents, « de redonner au milieu universitaire », et cette croyance est restée ancrée au fil des années : « Nos voix, qui n’étaient pas nécessairement prises en compte avant que ces initiatives [comme le Réseau BRILLEnfant] commencent à être mises en œuvre, enrichissent celles du milieu universitaire. Je crois que la diversité des voix dans une conversation se traduit par une plus grande inclusion. C’est très important », explique-t-elle.
Finalement, en tant que mère témoin des débuts des interventions précoces, Sharon fait ressortir à quel point le programme Familles Solides donne de l’espoir aux parents : « Nous parlons d’espoir pour les parents d’enfants ayant récemment reçu un diagnostic ainsi que des moyens que nous pouvons utiliser pour faire savoir que les efforts qui sont investis dans les interventions précoces finissent par donner de bien meilleurs résultats. C’est quelque chose de réellement important, tout comme l’espoir que nous donnons aux parents, c’est-à-dire l’espoir qu’ils peuvent aspirer à une vie meilleure et possiblement plus facile. L’espoir est très important. »
Nous remercions Sharon de nous avoir fait part de ses réflexions et de nous avoir permis d’en apprendre davantage sur son parcours et la perspective qu’elle offre à notre réseau de recherche. Souhaitez-vous participer à nos travaux? Communiquez avec nous.