Témoignages de familles

Passer de la stigmatisation à l’expression de l’amour radical pour la santé mentale et les troubles d’origine cérébrale : le récit d’une mère

Rédigé par : Samadhi Mora Severino

Samadhi Mora Severino, parent partenaire de recherche et conseillère pour léquité, la diversité et linclusion du Réseau BRILLEnfant, nous fait part de son expérience comme mère vivant avec un trouble bipolaire, qui soccupe dun enfant atteint dune grave paralysie cérébrale et dun autre aux prises avec un trouble de déficit de lattention avec hyperactivité (TDAH) et un trouble dapprentissage. Des histoires comme celles de Samadhi montrent à quel point les troubles font partie intrinsèque de lexpérience humaine et ne diminuent en rien la valeur ou linfluence dune personne.

Samadhi Mora Severino

Samadhi Mora Severino

Je m’appelle Samadhi. Je suis une immigrante et je vis à Toronto, au Canada. Je suis née au Vénézuéla. Je suis aussi la maman de deux enfants ayant des troubles du développement d’origine cérébrale. Mon fils aîné, Ethan, est âgé de 14 ans et il est atteint d’un TDAH et d’un trouble d’apprentissage, et mon fils cadet, Kian, 12 ans, est atteint d’une grave paralysie cérébrale et d’une déficience intellectuelle. Je m’implique dans le Réseau BRILLEnfant comme parent partenaire de recherche depuis 2016, et plus récemment comme conseillère pour l’équité, la diversité et l’inclusion. Je suis également étudiante au doctorat dans un programme de politiques de santé et d’équité, et je détiens une maîtrise en études critiques sur la situation des personnes handicapées, un diplôme de premier cycle en philosophie (avec spécialisation en bioéthique et en éthique appliquée) et un diplôme de premier cycle en anthropologie (axée sur l’anthropologie médicale [droits des personnes handicapées et santé dans les populations autochtones]).

Je vis également avec un diagnostic de maladie mentale. En 2022, j’ai reçu un diagnostic de trouble bipolaire léger de type 1. Cette maladie fait depuis partie de mon parcours de mère d’enfants ayant des besoins complexes. Vivre avec un diagnostic de maladie mentale tout en élevant des enfants atteints de troubles du développement d’origine cérébrale a été à la fois difficile et stimulant. Cette expérience m’a permis de mieux comprendre la stigmatisation que vivent souvent les personnes aux prises avec des maladies mentales, comme un trouble bipolaire. Elle a également modelé la façon dont je réalise mes activités de défense des intérêts et nourri ma passion pour la création d’espaces plus inclusifs pour les personnes en situation de handicap, celles qui vivent avec un ou plusieurs diagnostics de santé mentale ou les personnes autochtones, noires ou en quête d’équité.

 

Mes premières fois dans le système de soins de santé mentale

Je suis entrée dans le système de soins de santé mentale pour la première fois en 2020, lorsque j’ai commencé à voir mon incroyable psychiatre. Au Canada, les soins de santé mentale sont complexes et sous-financés (page en anglais seulement), et j’ai connu le système de la Colombie-Britannique et celui de l’Ontario. Je suis extrêmement privilégiée d’avoir accès à un psychiatre, car ce n’est pas tout le monde qui a cette possibilité. Je suis aussi privilégiée parce que mon psychiatre tient compte des traumatismes, il est disposé à apprendre et à désapprendre, et il collabore étroitement avec moi pour veiller à ce que je reçoive les meilleurs soins possible.

En 2022, j’ai reçu un diagnostic de trouble bipolaire léger de type 1, qui est un trouble de l’humeur. Il n’a pas été facile de vivre avec ce trouble. Il y a encore beaucoup de stigmatisation liée à ce type de diagnostic. Avant de recevoir mon diagnostic, je ne savais pas exactement ce qu’était un trouble bipolaire. La première fois que j’ai entendu mon diagnostic, j’ai ressenti de la honte et de l’embarras. Des diagnostics de maladie mentale comme l’anxiété et la dépression sont souvent mieux acceptés par la société, mais l’on démontre moins d’empathie pour d’autres maladies, comme le trouble bipolaire, le trouble de la personnalité limite et la schizophrénie.

Après avoir reçu mon diagnostic, j’ai dû faire le deuil de la personne que j’étais et m’adapter à la personne que j’étais devenue, tout ça en luttant contre ma propre psychophobie intériorisée. (On entend par psychophobie, ou sanisme, les croyances, les gestes ou les politiques discriminatoires qui déshumanisent les personnes ayant reçu des diagnostics de maladie mentale.) Heureusement, j’ai reçu du soutien et de l’amour indéfectibles de ma mère, de mon père et de mes enfants.

Trois ans plus tard, je ne ressens plus de honte lorsque je parle de mon trouble bipolaire. J’ai appris à aimer et à accepter la personne que je suis maintenant avec ce diagnostic. Je repense à tout ce que j’ai accompli : être une maman, une parent partenaire de recherche, une chercheuse en devenir, une conseillère pour l’équité, la diversité et l’inclusion, une amie, une fille, un être humain. Je me rappelle que le fait d’avoir un trouble bipolaire ne me définit pas, que c’est simplement une de mes facettes.


Entrer dans le monde de la parentalité

Ethan pousse Kian, qui est en fauteuil roulant.

Ethan (à gauche) et Kian

En 2009, avant la naissance de mon fils Ethan, notre généticien de famille m’avait dit que, ce qui est le plus difficile lorsqu’on élève un enfant en situation de handicap, c’est la façon dont la société perçoit le handicap ainsi que le manque de services gouvernementaux pour aider les familles. L’échographie d’Etan révélait de petits signes d’appel qui laissaient croire qu’il pouvait être né avec des besoins médicaux complexes ou de graves handicaps, mais ce n’était pas le cas. Il a finalement reçu un diagnostic de TDAH et de trouble d’apprentissage.

Je n’oublierai jamais cette conversation avec notre généticien ou la compassion et l’empathie qu’il éprouvait pour nous. Ce sentiment a refait surface quand mon plus jeune fils, Kian, a reçu un diagnostic de paralysie cérébrale grave le 3 mars 2015. Je me souviendrai toujours de cette journée, car elle marquait aussi le retour des résultats du séquençage génétique de l’exome de Kian, qui ont conduit à l’établissement d’un deuxième diagnostic d’ostéopathie striée avec sclérose crânienne, une maladie génétique qui affecte le développement des os. Celle-ci peut également causer des problèmes neurologiques et une perte de l’ouïe.

Avant que Kian naisse, je ne comprenais pas réellement ce que prendre soin d’une personne atteinte de graves handicaps physiques voulait dire. S’occuper d’un enfant ayant de graves handicaps n’est pas la même chose que de s’occuper d’un enfant ayant d’autres handicaps ou n’en ayant aucun. Kian ne peut pas effectuer lui-même ses activités de la vie quotidienne. Il a besoin d’aide pour tout, du bain à l’alimentation, en passant par l’habillement. Il ne peut pas s’asseoir, se tenir debout ou marcher. Il utilise un fauteuil électrique. Il a très souvent recours à des services sociaux et de santé, ce qui donne lieu à un grand nombre de thérapies et de rendez-vous médicaux.

Kian sourit. Il utilise un fauteuil électrique.

Kian

Kian maîtrise très bien la technologie, il est drôle et espiègle, et il a l’esprit aventureux. Il fait preuve d’une immense empathie, dans une mesure que j’ai rarement vue chez les autres. Lorsque j’ai reçu mon diagnostic de trouble bipolaire, j’ai commencé à réfléchir à la stigmatisation à laquelle j’étais confrontée et que j’intériorisais, et à la façon dont les expériences quotidiennes de Kian contrastaient avec les miennes. Je peux masquer mon trouble bipolaire, mais Kian ne peut pas cacher son handicap physique. En même temps, les suppositions que font les gens sur Kian et celles qu’ils font sur le trouble bipolaire sont démoralisantes. En ce sens, nous avons un lien très profond.

Quand je pense à l’avenir de Kian, je me demande comment la société le traitera lorsqu’il prendra de l’âge. L’empathie du public semble drastiquement changer lorsqu’il est question de handicaps. Même si les gens éprouvent souvent plus de compassion pour les enfants, ils peuvent en ressentir moins lorsqu’une personne atteint l’âge adulte.

C’est toujours aux côtés de Kian que je réalise des activités de défense des intérêts dans des milieux médicaux, scolaires et sociaux, en priorisant sa voix et en respectant sa dignité, son autonomie et ses droits, tels qu’ils sont décrits dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des personnes handicapées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Au fil du temps, j’ai dû lâcher prise sur mon approche initiale de parent hélicoptère et permettre à Kian de vivre de manière authentique, comme ce devrait être le cas de tous les enfants. Je me souviens d’un moment pendant une marche pour recueillir des fonds. Kian était seulement âgé de quatre ans et il voulait monter une pente raide avec son fauteuil électrique. Au départ, j’ai hésité, car je ne savais pas si je devais le laisser faire, mais je me suis rapidement rappelé ceci : si Kian était un enfant de quatre ans normal, est-ce que j’hésiterais? Bien sûr que non. Je l’ai donc laissé monter la côte avec son infirmière. Il s’est amusé comme un petit fou et je n’oublierai jamais son sourire ce jour-là.

Lorsque je réfléchis à cette conversation que j’ai eue avec mon généticien en 2009, je comprends maintenant la vérité de ses paroles. Le problème n’a jamais été Kian, le problème était la façon dont le monde le voyait, ou plus exactement, la façon dont il ne le voyait pas. La société, les travaux de recherche, les politiques et les lignes directrices cliniques ne tiennent pas toujours compte de Kian comme moi je le fais et de la façon dont il se voit. Cette prise de conscience a attisé mon désir de participer à des activités de défense des intérêts et de recherche en vue de réclamer des améliorations de l’équité en santé pour Kian et d’autres comme lui au Canada. Elle m’a aussi permis de comprendre l’importance de reconnaître la neurodivergence pour créer de meilleurs systèmes de soutien avec des enfants en situation de handicap et leurs familles.


Nourrir l’amour radical dans la recherche neurodéveloppementale

Dans son livre À propos de lamour, bell hooks, universitaire et théoricienne critique de la race, indique que pour aimer, il faut six ingrédients : l’attention, l’engagement, la connaissance, la responsabilité, le respect et la confiance. Elle fait valoir que l’amour est essentiel à la justice sociale et que l’amour radical peut toutes et tous nous unir, en reliant des mouvements sociaux et en faisant avancer nos progrès collectifs.

Dans le domaine de la recherche sur les handicaps, l’amour radical, ce peut être la création d’espaces où les personnes peuvent se rassembler, se sentir en sécurité et s’exprimer de façon authentique. L’amour, ce peut être de veiller à ce que nos résultats de recherche pour le public soient rédigés en langage clair, ce qui fait en sorte qu’ils sont faciles à comprendre, concis et accessibles à tout le monde. L’amour, ce peut être de répondre à des demandes de mesures d’adaptation sans jugement, en offrant de l’aide et en témoignant de l’attention. L’amour, ce peut être de s’efforcer de comprendre, plutôt que de laisser libre cours à la stigmatisation associée à un diagnostic de maladie mentale.

Mes différentes expériences vécues ont profondément influencé mon parcours universitaire et professionnel, et elles m’ont amenée à poursuivre des travaux de recherche utiles qui relient mes univers personnel et professionnel. Les travaux de recherche que j’effectue dans le cadre de mon doctorat portent principalement sur les intersections de la race et des handicaps, et examinent précisément les expériences des familles noires, autochtones et racisées dont des membres ont reçu des diagnostics de santé mentale et celles de leurs enfants en situation de handicap dans le système de protection de l’enfance. Guidée par le cadre conceptuel autochtone (en anglais seulement) de Margaret Kovach, professeure autochtone d'ascendance Nêhiyaw et Saulteaux du Traité 4 et membre de la Première Nation Pasqua, je me fonde sur l’épistémologie autochtone, l’éthique, la communauté et le moi de l’expérience dans les relations.

« Tous les projets auxquels j’ai participé, que ce soit à titre de partenaire de recherche du Réseau BRILLEnfant ou de chercheuse en devenir, m’ont profondément changée.  »
— Samadhi Mora Severino

Je crois que les travaux de recherche doivent transformer les communautés qu’ils servent, mais aussi les chercheuses et les chercheurs. Comme Shawn Wilson, qui est une personne crie d'Opaskwayak du nord du Manitoba, l’a si bien dit dans son livre Research is Ceremony : « Si la recherche ne vous change pas comme personne, alors vous l’avez mal faite. » Tous les projets auxquels j’ai participé, que ce soit à titre de partenaire de recherche du Réseau BRILLEnfant ou de chercheuse en devenir, m’ont profondément changée. Ces expériences ont contribué à ce que je défende les intérêts des familles et des jeunes aux prises avec des troubles neurodéveloppementaux et m’ont poussée à réinventer la façon dont les travaux de recherche, les politiques et les pratiques peuvent servir les communautés avec amour radical, empathie et intégrité.

Au centre de mon travail, on trouve mon engagement à l’égard de l’amour radical. J’espère qu’un jour, la société n’aura plus besoin que les personnes en situation de handicap et les personnes ayant reçu des diagnostics de maladie mentale prouvent qu’elles ont de la valeur. Elles seront plutôt acceptées pour leur authenticité et ne se heurteront plus aux obstacles dressés par des recherches, des lignes directrices cliniques, des politiques et des lois discriminatoires.


Appel à l’action

Voici des gestes que nous pouvons toutes et tous poser pour que le monde soit plus inclusif :

  1. Favorisez linclusion en aimant véritablement. Gérez les mesures d’adaptation et d’accessibilité en ouvrant votre cœur.

  2. Prenez lengagement dapprendre de façon continue. Soyez disposée ou disposé à oublier la désinformation préjudiciable que vous avez apprise et accueillez de nouvelles vérités, même si elles sont parfois déplaisantes.

  3. Évitez les suppositions. Reconnaissez que les diagnostics varient grandement et qu’il n’y a pas d’approche universelle pour comprendre ou aider les personnes.

  4. Assumez votre responsabilité. Reconnaissez vos erreurs, tirez-en des leçons et engagez-vous à évoluer ensemble.

  5. Respectez lautonomie et la dignité des personnes ayant des diagnostics de santé mentale. Elles peuvent vivre des vies enrichissantes et apporter des contributions variées qui ont un sens dans une société qui respecte leur autonomie et leur dignité, et qui met un terme à la stigmatisation.

  6. Défendez les pratiques antidiscriminatoires. Élaborez des travaux de recherche, des politiques et des lignes directrices cliniques qui placent en leur centre la voix des personnes ayant de l’expérience vécue et qui font activement participer ces personnes.

Je vous invite à réfléchir à la façon dont vous pouvez contribuer à la création d’un monde où l’inclusion, l’équité et l’amour radical ne sont pas des idéaux, mais bien des pratiques quotidiennes. Ensemble, nous pouvons réinventer une société où tout le monde peut vivre de manière authentique et apporter des contributions qui ont un sens.

Gillian Backlin : Comment et pourquoi j’en suis venue à participer à la recherche axée sur le patient

Vous vous demandez pourquoi il serait avantageux pour vous ou votre enfant de participer à la recherche axée sur le patient? Dans notre série de billets « Mon pourquoi », cinq patients partenaires du Réseau BRILLEnfant nous expliquent les nombreuses raisons pour lesquelles ils ont décidé de participer à la recherche.

Dans ce billet, Gillian Backlin, membre du Conseil consultatif national des jeunes, nous parle de son « pourquoi ». 

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Je suis nouvelle dans l’univers de la recherche axée sur le patient. En fait, je viens tout récemment de m’impliquer auprès du Conseil consultatif national des jeunes du Réseau BRILLEnfant. Ce qui m’a attirée vers BRILLEnfant était l’occasion de faire quelque chose de positif pour une communauté dans laquelle je ressens un fort sentiment d’appartenance étant donné ma propre expérience comme personne ayant un trouble neurodéveloppemental. La défense des intérêts a toujours été une passion pour moi et j’ai senti que c’était une occasion unique d’être non seulement entendue, mais aussi d’avoir une influence positive. Le Réseau BRILLEnfant m’a beaucoup aidée à voir la valeur de mon point de vue et à avoir plus confiance en moi, en tant que défenseure, non seulement des autres, mais de moi-même. Les expériences directes sont à mon avis précieuses tant pour le patient que pour le chercheur, car elles ajoutent un élément personnel essentiel à la recherche et habilitent les patients à valoriser leurs idées, leurs opinions et leurs expériences. Je suis très reconnaissante d’avoir la possibilité de participer à la recherche axée sur le patient au sein du Réseau BRILLEnfant. 

Fabiana Bacchini : Pourquoi je participe à la recherche axée sur le patient

Vous vous demandez pourquoi il serait avantageux pour vous ou votre enfant de participer à la recherche axée sur le patient? Dans notre série de billets « Mon pourquoi », cinq patients partenaires du Réseau BRILLEnfant nous expliquent les nombreuses raisons pour lesquelles ils ont décidé de participer à la recherche. Dans ce billet, notre parent partenaire Fabiana Bacchini nous parle de son « pourquoi ». 

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Quand mon fils était à l’unité des soins intensifs néonataux, nous nous sommes inscrits à deux études de recherche. À l’époque, mon seul espoir était que ça lui vienne en aide durant son séjour aux soins intensifs. Après son congé, j’ai commencé à faire du bénévolat à l’unité des soins intensifs néonataux et on m’a invitée à collaborer à quelques projets de recherche avec des cliniciens. Mon point de vue a radicalement changé quand j’ai commencé à saisir l’impact que pouvait avoir la recherche pour aider à offrir aux enfants des soins et des traitements fondés sur des données. 

Je suis reconnaissante envers toutes ces familles qui ont participé à la recherche avant moi. Aujourd’hui, je participe à la recherche en tant que collaboratrice afin de redonner à la communauté et je continue d’inscrire mon fils à des études de recherche afin de soutenir les familles qui nous suivront.

Frank Gavin : Pourquoi je participe à la recherche axée sur le patient

Vous vous demandez pourquoi il serait avantageux pour vous ou votre enfant de participer à la recherche axée sur le patient? Dans notre série de billets « Mon pourquoi », cinq patients partenaires du Réseau BRILLEnfant nous expliquent les nombreuses raisons pour lesquelles ils ont décidé de participer à la recherche.

Dans ce billet, Frank Gavin, directeur de l'engagement des citoyens du Réseau BRILLEnfant, nous parle de son « pourquoi ».  

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J’étais enthousiaste, mais ma femme l’était un peu moins, à l’idée d’inscrire notre fils à une étude de recherche alors qu’il avait 12 ans. Nous l’avions découverte en lisant un prospectus dans le bureau du médecin qui avait récemment diagnostiqué le trouble du spectre de l’autisme chez notre fils et qui était le chercheur principal de cette étude.

Ma femme et moi avions plusieurs questions. Pourquoi, par exemple, ses résultats scolaires étaient-ils si inconstants? Pourquoi angoissait-il face à des choses en apparence très anodines? Que pouvions-nous faire pour soulager sa souffrance? Nous avions soif de réponses ou, à tout le moins, de renseignements qui pourraient mener à des réponses. Cette étude, nous le savions, n’était que partiellement reliée à nos principales préoccupations, mais elle nous semblait plus pertinente que les autres. Bien entendu, nous ne pouvions imaginer qu’il soit possible pour des parents comme nous de contribuer à l’élaboration d’un projet de recherche qui se pencherait directement sur les questions que nous nous posions.

Le formulaire de consentement indiquait clairement que nous ne devions pas nous attendre à recevoir beaucoup de renseignements concernant précisément notre fils, mais on nous avait promis un rapport de trois pages sur son cas et une rencontre avec la chercheuse débutante qui l’accompagnerait dans la réalisation des diverses tâches. Comme nous étions avides de renseignements dans les mois qui ont suivi le diagnostic, nous étions convaincus qu’il valait la peine de surmonter l’énorme difficulté de faire manquer trois demi-journées d’école à notre fils pour aller l’asseoir dans un immeuble de béton pas très accueillant pour les enfants, doté de minuscules fenêtres, afin de lui faire faire des tâches difficiles – tout cela, bien entendu, en étant observé de près par des étrangers. Il a trouvé ça pénible.

Quelques mois plus tard, je me suis rendu au centre-ville pour assister à la rencontre avec l’étudiante de troisième cycle qui avait réalisé les tests et rédigé le rapport qui devait m’être remis et expliqué lors de cette réunion. Malheureusement, à mon arrivée, on m’a averti que l’étudiante ne serait pas au rendez-vous, en raison d’une chute de neige de quelques centimètres – vraiment pas grand-chose, même selon les normes torontoises – et que je recevrais le rapport par la poste. J’étais trop découragé pour demander un autre rendez-vous. Le rapport que nous avons finalement reçu par la poste était d’une utilité moyenne. Je crois qu’il aurait été plus utile si nous avions pu en discuter avec son auteure ou même si nous avions simplement pu lui poser quelques questions.

Depuis cette expérience, survenue il y a plusieurs années, j’ai collaboré à titre de conseiller et partenaire auprès de plusieurs projets de recherche, notamment au sein du Réseau BRILLEnfant. J’espère qu’en travaillant ensemble, nous (les chercheurs, les parents et les jeunes) pourrons nous assurer que la recherche se penche sur les principales questions que nous nous posons et qu’elle le fasse d’une manière respectueuse et enrichissante pour les enfants, les jeunes et les familles qui, en tant que participants ou sujets de recherche, contribuent de façon si généreuse et indispensable à cette recherche.

Donna Thomson : Quel est votre «pourquoi» ? Voici le mien – pourquoi ma famille participe à la recherche

Vous vous demandez pourquoi il serait avantageux pour vous ou votre enfant de participer à la recherche axée sur le patient? Dans notre série de billets « Mon pourquoi », cinq patients partenaires du Réseau BRILLEnfant nous expliquent les nombreuses raisons pour lesquelles ils ont décidé de participer à la recherche.

Dans ce billet, Donna Thomson, membre du Comité d’engagement des citoyens du réseau et patiente partenaire des projets de recherche Familles Solides ND et READYorNot(TM), nous parle de son « pourquoi ».  

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Enfant, je détestais la science. J’ai coulé mon cours de mathématiques presque chaque année et j’ai traversé mon cours de biologie de neuvième année en rêvassant. Heureusement, je suis allée à l’école secondaire pendant ce que j’appelle « les années hippies de l’éducation », durant lesquelles les élèves pouvaient choisir les cours qu’ils voulaient. Les cours obligatoires n’existaient simplement pas. Étant destinée à l’école de théâtre, j’ai abandonné tout ce qui touchait à la science après ma neuvième année pour me concentrer exclusivement sur les beaux-arts et les sciences humaines. Je me souviens m’être dit « Je n’aurai JAMAIS besoin des mathématiques ou de la science! »

Avançons à 1988 et à l’arrivée de notre fils Nick, né avec une grave paralysie cérébrale. Bébé, son plus grand défi était la digestion des aliments. En 1990, il vomissait presque tout ce qu’il mangeait ou buvait, et donc, mon mari et moi avons opté pour une chirurgie permettant d’éviter le renvoi des aliments dans son œsophage. Presque immédiatement, une avalanche de symptômes bien plus graves nous a placés en mode alerte. J’avais l’impression que Nick allait mourir, mais les résultats des tests nous disaient que tout était « normal ». Les médecins étaient perplexes. Un résumé de congé de l’hôpital datant de 1991 se lit comme suit :

« Nicholas est aux prises avec d’importants problèmes de symptomatologie gastro-intestinale comprenant des haut-le-cœur épisodiques, des vomissements, des douleurs et une grave constipation continue. Nous avons testé divers médicaments de motilité et antiacides avec un succès mitigé. »

Un enfant ayant un handicap lourd, des besoins médicaux complexes et des résultats de tests indiquant que tout était « normal » a eu deux effets sur moi : premièrement, j’étais rongée par l’inquiétude et deuxièmement, je me suis transformée en infatigable chasseuse de renseignements. Je cherchais désespérément quelqu’un qui comprendrait ce qui arrivait à Nicholas et qui saurait comment régler la situation. J’ai demandé à chaque parent de notre communauté locale des personnes en situation de handicap si leur enfant avait démontré des symptômes similaires. Aucun n’avait vécu la même chose.

Avant l’arrivée d’Internet, les parents intrépides trouvaient le moyen de mettre la main sur des exemplaires de revues médicales et se les envoyaient dans des enveloppes brunes via Postes Canada. L’inquiétude m’a fait perdre tout sens des conventions et, suivant les pas d’autres audacieuses « mamans médecins », j’ai téléphoné directement aux auteurs d’un article paru dans une de ces revues. L’article semblait décrire la situation de mon fils. Chaque auteur a été aimable, généreux et intéressé. Suite à cette expérience, j’ai décidé que la recherche serait mon avenue à suivre pour obtenir les réponses que notre hôpital pour enfants était incapable de nous donner.

Depuis mes jours au secondaire, j’ai constaté deux choses qui font qu’aujourd’hui, j’adore la science :

  1. La science ressemble beaucoup à l’art parce qu’elle puise sa source dans l’imagination.

  2. En participant à la recherche, nous pouvons atténuer les effets particulièrement éprouvants du handicap de mon fils tout en aidant les autres en générant de nouvelles connaissances.

En ce qui me concerne, le fait de participer à des études de recherche avec Nick me donne le sentiment d’être une bonne mère.

Nicholas et moi avons participé à de nombreuses études. Nous avons l’impression de faire partie de quelque chose d’important et d’optimiste. Nous savons que nous contribuons en apprenant plus de choses à propos du handicap de Nick, et en les communiquant aux autres familles. Nous nous rapprochons de la science.

Amy Spurway : À propos du « pourquoi » : trois raisons principales de participer à la recherche

Vous vous demandez pourquoi il serait avantageux pour vous ou votre enfant de participer à la recherche axée sur le patient? Dans notre série de billets « Mon pourquoi », cinq patients partenaires du Réseau BRILLEnfant nous expliquent les nombreuses raisons pour lesquelles ils ont décidé de participer à la recherche.

Dans ce billet, Amy Spurway, membre du Comité d’engagement des citoyens du Réseau BRILLEnfant et patiente partenaire du programme AccompagnENSEMBLE, nous explique son « pourquoi » : 

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Étude de recherche. Ces mots peuvent facilement invoquer des images de rats de laboratoire, d’injections de produits mystérieux et de scientifiques qui observent leurs sujets en se grattant le menton tout en prenant des notes et en murmurant « Hmmmmm. Intéressant… » Donc, quand nous disons que notre famille participe régulièrement à des études de recherche, la première question que l’on nous pose est habituellement « pourquoi? », suivie de « Vous faites-vous mordre par des araignées radioactives qui vous donnent des super pouvoirs? »  Excellente question. Les réponses, nos « pourquoi », sont souvent aussi distinctes que les familles et les études auxquelles nous prennons part. Mais dans l’ensemble, il existe trois types de raisons qui peuvent nous orienter vers des projets de recherche : le personnel, le professionnel et le politique.

Le personnel

La plupart des familles qui prennent part à une étude de recherche ont un « pourquoi » lié à un moment critique où elles ont compris qu’elles devaient faire quelque chose. Les détails de ces histoires peuvent parfois être difficiles à entendre, et encore plus difficiles à raconter, car bien des familles se tournent vers les projets de recherche quand elles estiment avoir épuisé toutes les autres options. La recherche est leur dernière tentative de trouver quelqu’un, quelque part, qui puisse les aider. Peut-être nous posons-nous des questions à propos d’une maladie ou d’un problème de santé… nous nous inscrivons donc à une étude en espérant obtenir des réponses à ces questions. La recherche est peut-être aussi une avenue vers un nouveau traitement ou vers un soutien nécessaire. Peut-être tentons-nous plutôt d’obtenir des renseignements plus détaillés à propos d’une maladie ou d’un problème de santé que nous vivons, et cette recherche pourrait nous apporter de nouvelles connaissances. Ou alors, peut-être nous inscrivons-nous à la recherche dans le but de rejoindre une communauté qui nous comprend. Bref, nos « pourquoi » commencent souvent par des besoins personnels ou familiaux non comblés et la recherche nous offre une chance d’apprendre, de partager et d’établir des relations. Pour nos familles, c’est une occasion à saisir, bien qu’elle n’offre aucune garantie.

Le professionnel

La participation à des études de recherche, particulièrement celles qui perçoivent et traitent les familles comme de réels partenaires du projet, apporte plus que le simple espoir d’obtenir de l’aide pour surmonter la situation personnelle qui nous a amenés à ce point. En effet, à mesure que nous tissons des liens avec un nouveau groupe de professionnels de la santé et des académiques, il est valorisant de les voir poser leur regard scientifique sur nos forces et nos difficultés, et de nous offrir leur attention et leur expertise. Il est tout aussi valorisant de voir ces professionnels reconnaître que nous possédons notre propre expertise : les connaissances et la sagesse associées à l’expérience vécue. Nous sommes les personnes qui vivons de près avec les enjeux du domaine qu’ils étudient. Les chercheurs ont les hypothèses et les théories. Nous avons le vécu et la crédibilité. Afin de poser les bonnes questions et de trouver les bonnes réponses, la science doit travailler en collaboration avec nous. La recherche regorge de possibilités pour que nous, en tant que partenaires ou participants, apprenions et développions de nouvelles compétences, en plus d’établir des relations avec des professionnels qui s’intéressent à certaines des choses que nous faisons. Il existe également des possibilités de mettre à contribution nos propres compétences ou nos propres réseaux professionnels. Aimeriez-vous aider à façonner la manière dont la recherche est communiquée au public, est citée dans une revue spécialisée ou aimeriez-vous porter main forte à défendre vos intérêts dans de nouveaux domaines? La participation à la recherche peut vous aider à établir des relations, à affiner ou utiliser vos compétences et à ouvrir de nouvelles portes dans votre univers professionnel.

Le politique

Les raisons politiques de participer à une étude de recherche ne sont pas une question de partisanerie politique ni d'hostilité envers les gouvernements. C’est plutôt une question de détecter et de saisir l’occasion de contribuer à des changements importants et durables au sein des services et des systèmes qui ont une grande influence dans nos vies. Les décideurs politiques se tournent souvent vers la recherche pour créer et mettre en œuvre les soutiens, les services et les programmes dont les familles ont besoin. En participant à la recherche, nous établissons les bases de ce qui pourrait servir à établir de futures politiques. Les femmes et les filles, les personnes de couleur, les personnes handicapées, les personnes LGBTQ et les personnes à faible revenu sont souvent mal représentées, voire totalement ignorées dans les recherches qui orientent les décideurs politiques dans leur prise de décisions. Toutefois, chaque personne mérite de faire partie de ces conversations, et la recherche est une façon de leur donner une place aux diverses tables. En participant à la recherche, nous pouvons influencer les politiques, les programmes, les soutiens et les services qui pourraient en résulter, et nous pouvons contribuer à faire en sorte que la recherche reflète fidèlement qui nous sommes, en tant que personnes, et ce dont nous avons besoin, en tant que société. La situation politique globale et la possibilité de l’influencer peuvent être de bonnes raisons de participer, à long terme, à des initiatives de recherche.

Alors, quel est le point commun de nos « pourquoi »? Le fait que nous espérons trouver une façon d’améliorer les choses pour nous et pour les autres. Et comme les chercheurs sont de plus en plus nombreux à saisir à quel point notre participation en tant que partenaires plutôt qu’en tant que sujets de recherche est précieuse, les occasions de faire une différence sont plus nombreuses et meilleures qu’avant. Et tout ça sans rats de laboratoire, injections de produits mystérieux, scientifiques qui murmurent, ni morsures d’araignées radioactives. 

Aider Ella à profiter de la vie

« Ma fille Ella est un vrai trésor! Elle ricane toujours et me rend tellement heureuse. Par contre, la vie n’est pas toujours facile pour moi, car je suis une maman monoparentale de trois enfants, dont une ayant des besoins particuliers. Je me sens souvent très seule. »

Alyssa Keel habite dans la région de Toronto et est mère de trois jeunes enfants. Braeden, le grand frère de la fratrie, a 4 ans, et ses sœurs jumelles, Raegan et Ella, ont 3 ans.

« Raegan et Ella sont des jumelles mono-mono, c’est-à-dire monoamniotiques (elles ont partagé le même sac amniotique) et monozygotiques (elles ont partagé le même placenta) : un cas de figure rare. Elles sont nées prématurément à 29 semaines de grossesse, et l’une ne pesait que 2 livres, 4 onces et l’autre 2 livres, 10 onces. Elles sont restées 80 jours à l’unité néonatale des soins intensifs de l’Hôpital Sunnybrook », rapporte Alyssa.

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« J’ai eu une césarienne d’urgence. Raegan est née en premier, mais ç’a été plus long pour Ella. Elle souffrait d’une hémorragie cérébrale de stade 4 (grave). On nous a avertis qu’elle ne survivrait probablement pas, et elle a même failli mourir quelques jours plus tard. Elle s’en est toutefois sortie, et la voilà aujourd’hui, trois ans plus tard, une petite fille pleine de volonté, qui fréquente un milieu préscolaire! »

Par contre, à cause du problème à sa naissance, Ella a des besoins particuliers.

« Environ une semaine après sa naissance, Ella a reçu un diagnostic d’hydrocéphalie (une pathologie qui se manifeste par une accumulation du liquide céphalo-rachidien dans le cerveau). Elle a aussi reçu peu de temps après son premier anniversaire un diagnostic de paralysie cérébrale. Elle ne peut pas marcher ou se tenir debout, ni s’asseoir sans aide. On doit lui fournir beaucoup d’aide et de nombreux équipements. »

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« C’est beaucoup de travail, mais mes enfants me rendent heureuse. J’ai aussi la chance de vivre dans une grande ville où Ella peut aller dans un milieu préscolaire pour enfants ayant des besoins particuliers. De plus, nous habitons près des hôpitaux, comme l’Hôpital Sunnybrook ou l’Hôpital pour enfants malades de Toronto (SickKids). Mon expérience a changé la vision de mon rêve d’avoir trois enfants. J’ai dû m’adapter, et je me sens souvent très seule. Je n’entre pas dans les normes. En effet, la majorité des mères monoparentale n’ont pas autant d’enfants que moi. Beaucoup ne comprennent pas les défis que je dois surmonter avec un enfant ayant des besoins particuliers. C’est difficile de me joindre à leurs activités. Par exemple, pendant l’hiver, les mamans aiment se rencontrer dans un centre de loisirs d’intérieur, mais les glissades et les jeux ne sont pas adaptés pour Ella. Je veux que mes trois enfants s’amusent et qu’ils aient de plaisir. »

« Ce n’est pas facile de trouver des endroits adaptés. Pour ce qui est des coûts, c’est aussi un défi, mais je veux qu’Ella ait du plaisir, qu’elle profite de la vie, et qu’elle puisse elle aussi jouer au parc. Je fais tout ce que je peux pour aider chacun de mes enfants à profiter pleinement de la vie. »”

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Pourquoi le Réseau BRILLEnfant compte-t-il pour moi?
« Le Réseau BRILLEnfant compte pour ma famille et moi. Notre histoire n’en est qu’une parmi tant d’autres. Chaque famille a un point de vue unique et sa propre histoire à raconter. Le partage de la réalité de chacun offre la possibilité aux familles, qui ont des enfants avec des capacités différentes, de s’entraider. J’espère toujours que notre histoire nous permettra d’entrer en contact avec les autres familles qui ont des histoires semblables à la nôtre, pour que nous puissions nous sentir compris et estimés. Mon espoir est que les difficultés rencontrées par mes enfants ou notre expérience dans le système de santé puissent aider d’autres familles dans l’avenir qui sont touchées par un trouble d’origine cérébrale, incluant la paralysie cérébrale, et qu’elles ne se sentent plus aussi isolées. »